dimanche 15 avril 2018

Un chauffeur de la STM frôle un cycliste : que fait la police?

Il est temps de cesser de banaliser certains comportements en ne les considérant que comme de simples infractions au Code de la sécurité routière et de les sanctionner pour ce qu’ils sont vraiment : des actes criminels.
Dernier exemple en date : celui de ce cycliste frôlé par un autobus de la STM le 11 avril dernier. Heureusement, celui-ci a pu filmer la scène grâce à une caméra qui l’accompagne désormais dans tous ses déplacements à vélo en raison, justement, de la conduite de certains automobilistes.
https://youtu.be/YCiytw9vwo8
La vidéo, publiée sur la chaîne YouTube de MTL Biking Commute, montre d’abord le cycliste rouler sur Sherbrooke. On voit ensuite un autobus de la STM le frôler dangereusement, enfreignant clairement le Code de la route qui impose une distance d’un mètre pour doubler un cycliste. 
Quiconque a vécu une situation semblable imagine très bien à quel point on se sent vulnérable quand des tonnes de métal passent à quelques centimètres de son corps. Le cycliste aurait pu avoir un mouvement de surprise et percuter une voiture stationnée ou perdre le contrôle et chuter contre l’autobus pour s’écraser sous ses roues.
Heureusement, le cycliste garde son sang-froid, mais accélère la cadence pour rejoindre l’autobus et s’arrêter à côté du chauffeur. Très calme, dans les circonstances, il lâche, ironique : « Passe un peu plus proche la prochaine fois. », ce à quoi le chauffeur : « Prend la piste cyclable en bas le grand. »
Il faut voir la vidéo de l’échange pour voir l’évidence : le chauffeur a sciemment frôlé le cycliste pour lui donner une leçon. Ce faisant, il a mis sa vie en danger… 
Le Code de la sécurité routière prévoit, à l’article 341, que « Le conducteur d’un véhicule routier ne peut dépasser une bicyclette à l’intérieur de la même voie de circulation, à moins qu’il ne puisse le faire sans danger après avoir réduit la vitesse de son véhicule et après s’être assuré qu’il peut maintenir une distance raisonnable entre son véhicule et la bicyclette lors de la manœuvre. Est une distance raisonnable 1,5 mètre sur un chemin dont la limite de vitesse maximale autorisée excède 50 km/h ou 1 mètre sur un chemin dont la limite de vitesse maximale autorisée est de 50 km/h ou moins. »
Par ailleurs, on peut lire sur le site de la SAAQ que « Lorsqu’une infraction grave a été commise, comme la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool ou la drogue, les courses de rue et toute autre infraction de nature à mettre des vies en danger ou à causer la mort, c’est le Code criminel qui s’applique. » 
Par ailleurs, l’article 249 (1) du Code criminel indique que « Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :a) un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu (…) (2) Quiconque commet une infraction mentionnée au paragraphe (1) est coupable : a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans; (…).
Mieux, selon l’article 268 (1), « Commet des voies de fait graves quiconque blesse, mutile ou défigure le plaignant ou met sa vie en danger. » et « (2) Quiconque commet des voies de fait graves est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans. »
Alors quand la seule sortie des autorités consiste en une déclaration du porte-parole de la STM au sujet du chauffeur à l’effet que « Cet employé sera rencontré, notamment pour obtenir sa version des faits, et nous prendrons les mesures appropriées en lien avec cet incident. », j’ai envie de pleurer.
Que la STM veuille traiter cette affaire comme une affaire disciplinaire, soit. Mais cette affaire est bien plus que ça, c’est une affaire criminelle. 
Qu’attendent les autorités pour mener ce chauffeur devant les tribunaux, et ainsi, dire aux cowboys de la route que de menacer les cyclistes avec des tonnes de métal roulant, c’est criminel?

mardi 30 janvier 2018

Islamophobie : à l’origine de la discorde


Un mot, plusieurs définitions

La variété de sens donnés au terme islamophobie et son utilisation abusive nous empêche de débattre sereinement et élargit le fossé qui divise la société. Pourquoi? Parce qu’il sème la confusion en brouillant toutes les nuances qui s’imposent entre les divers points de vue relatifs à l’islam.

Pour l’historien et sociologue Gérard Bouchard, le terme islamophobie « … désigne des perceptions et des attitudes négatives pouvant conduire à des propos offensants et à des actes violents à l’encontre de citoyens de confession musulmane. »

Tandis que pour le premier ministre Justin Trudeau, il s’agit plutôt de la peur de l’autre : « L’islamophobie, ça nous dérange. (…) On a tous peur, des fois. On a peur de l’inconnu, on a peur de l’étranger. »

Islamophobie : perception menant à la violence ou peur de l’autre?

Un mot qui divise

Au lendemain de la tuerie de Québec, j’avais besoin de silence, j’avais besoin de paix. Comme des milliers d’autres, je voulais dire non à la violence et exprimer ma solidarité envers les musulmans en participant à la Vigile de solidarité près du métro Parc, à Montréal.

Une dizaine d’intervenants se sont succédé au micro. On a exprimé la douleur et la colère, évidemment. On a appelé à l’ouverture, à la solidarité et au rejet du racisme, c’était bienvenu. Mais certains ont choisi de pointer du doigt des coupables présumés plutôt que d’apaiser nos cœurs meurtris, un aspect que n’ont pas relevé les journalistes, pressés de faire leur topo pour déguerpir au plus vite se mettre à l’abri du froid.

Ainsi, Asmaa Ibnousahir explique que la sécurité de dizaines de femmes musulmanes « … est menacée depuis que le Québec s’est lancé dans les traces de la France par ses politiques islamophobes. »

Selon Samira Laouni, de l’organisme COR, la montée de l’intolérance est notamment accentuée « … par certains politiciens populistes à la recherche de votes, par certains intellectuels en mal de notoriété (…). »

Pour une autre intervenante, « Les communautés musulmanes ont été incroyablement blessées, harcelées, intimidées par les propos islamophobes, les critiques virulentes à notre endroit et les tentatives de projet de loi qui visaient à nous empêcher de travailler avec nos symboles religieux. »

Quant à Aroun Bouazzi, d’Amal Québec, il voulait rappeler : « (…) aux identitaires, aux suprémacistes, aux néonazis que vous ne nous diviserez jamais. (…) aux chroniqueurs, aux Mathieu Bock-Côté, aux Martineau, aux Christian Rioux, tous ceux qui nous ont divisés, classifiés, montés les uns contre les autres, vous ne nous diviserez jamais. Aux politiciens calculateurs, ceux qui profitent de nos peurs, ceux qui profitent de nos craintes, ceux qui attisent la méfiance envers l’autre, envers les musulmanes, envers nos lieux de cultes, vous ne nous diviserez jamais. »

Et finalement, Farah Najah, elle, s’en prend au « … state-sanctioned white supremacy and xenophobia, like the racist and misogynist unreasonable accommodation commission, and the so-called charter of values. »

Les amalgames

Il y avait là de bien malheureux amalgames qui continuent de courir dans l’espace public.

Concernant certains animateurs radio et chroniqueurs, la cause me semble entendue. Ils cultivent bien souvent, autant sur le fond que par la manière, la division, l’intolérance, le racisme et la haine des musulmans.

Mais les politiciens québécois, sauf certains cas isolés, peut-on sérieusement les accuser de « souffler sur les braises de l’intolérance »? S’opposer à leurs idées, oui, mais les accuser d’avoir contribué au climat ayant mené au massacre de Québec?

Et la Charte des valeurs, la volonté de limiter le port du voile ou d’encadrer plus strictement les accommodements raisonnables. On peut être férocement contre, mais était-il bien honnête de les pointer du doigt au lendemain du pire acte haineux qu’ait connu le Québec?

Finalement, en accusant Mathieu Bock-Côté et Christian Rioux de diviser, ne tente-t-on pas de museler tous ceux et celles qui, dans l’autre camp, s’inquiètent de l’intégrisme et défendent la laïcité?

De tels discours enflammés mobilisent, mais polarisent à outrance. En niant toute légitimité aux perceptions et aux opinions raisonnables de certains, ils les braquent dans une position inconfortable où la discussion devient impossible. C’est exactement ce que cherchent les extrémistes de tout acabit.

On s’offusque des raccourcis intellectuels qui associent tous les musulmans au terrorisme ou à l’intégrisme islamique. Et on a bien raison. Mais comme on vient de le voir, personne n’est à l’abri des amalgames.

Tous islamophobes?

Le terme islamophobie est utilisé pour décrire une foule de réalités bien différentes :
  • Le citoyen qui s’inquiète d’une ferveur religieuse associée à des valeurs inédites au Québec depuis la Révolution tranquille : islamophobe.
  • L’intellectuel qui analyse l’islam radical dans la perspective d’un projet politique international : islamophobe.
  • Le chroniqueur hostile à tout fait religieux : islamophobe.
  • Le tenant de la laïcité qui veut encadrer le port de signe religieux et les demandes d’accommodement : islamophobe.
  • Le #charlie qui défend le droit au blasphème : islamophobe.
  • Ou encore, ceux que la haine de l’islam mène à l’agression verbale contre des musulmanes voilées ou à l’assassinat de fidèles, en passant par toute la gamme intermédiaire des agressions qui pourrissent la vie de nos concitoyens musulmans.

Les bons mots pour le dire

Penser marquer des points en qualifiant d’islamophobes ceux qui ont des réserves envers l’islam — appelons-les, faute de mieux, les « islamosceptiques » —, c’est oublier que nous sommes condamnés à vivre ensemble. Plus de 40 % des Québécois, des démocrates, pas de dangereux fascistes, ont appuyé la charte des valeurs et 60 % se sont prononcés pour l’interdiction des signes religieux dans la fonction publique. Si on continue à leur crier des noms, on n’est pas près de voir de rapprochement entre les communautés.

En cette année préélectorale, les adversaires de bonne volonté devraient convenir d’un vocabulaire permettant d’exprimer toutes les nuances que requiert une discussion intelligente dont nous ne pourrons faire indéfiniment l’économie.

Sources

mercredi 25 octobre 2017

Catalogne : ne croyez pas ce qu’on en dit, le OUI l’a emporté à 60 %

Les chiffres montrent que le camp du OUI a gagné le référendum catalan, en dépit de la violence et de l’intimidation dont il a été victime, et malgré ce qu’en disent les grands médias et les leaders politiques du « monde libre ».


Le premier octobre 2017 s’est tenu dans le plus grand désordre le référendum organisé par les extrémistes catalans.

Après le saccage de plus de 300 bureaux de vote, la disparition de centaines de milliers de bulletins et l’abstention massive des partisans du NON les autorités insurrectionnelles de Barcelone doivent l’admettre : l’exercice était illégal, illégitime et irresponsable. Elles doivent maintenant agir de manière responsable et admettre la défaite.

La presse l’a dit, la cause est entendue. Fin de l’histoire.

Imaginons une autre histoire. Celle d’un gouvernement qui veut réaliser l’indépendance de la catalogne. Et d’un régime espagnol qui adopte la ligne dure, arguant que la constitution du pays proscrit l’indépendance. Devant l’absence d’alternative, le gouvernement catalan met en branle le seul moyen démocratique de dénouer l’impasse : consulter les citoyens.

Mais, Madrid menace et fait tout en son pouvoir pour saper la légitimité du processus. On incite les partisans du NON à boycotter le scrutin, on intimide les leaders indépendantistes à coup de poursuites judiciaires et d’arrestations, on organise des raids dans plus de 300 bureaux de scrutin, on frappe, on bouscule, on matraque, on saisit des bulletins de vote...

À la télé, les images choquent. On montre quelques bureaux de scrutin où la police espagnole est intervenue violemment. On voit peu l’autre réalité, celle vécue dans 86 % des bureaux de scrutin : des Catalans qui votent dans le calme et, malgré l’incertitude, avec le sourire.

Évidemment, même si le OUI l’a emporté à 90 %, on a beau jeu de rappeler que le taux de participation de 42 % enlève toute légitimité au résultat. Surtout dans le contexte d’un boycottage massif des opposants à l’indépendance.

Mais la vérité est tenace et les chiffres loquaces.

Et si une majorité de Catalans avaient voté ?


Pour faire passer le taux de participation à 50 %, il aurait fallu que 440 000 personnes inscrites de plus soient allées voter. Même si on présume que TOUS auraient voté NON, le OUI l’aurait emporté à 75 %.

Un taux de participation encore plus élevé, 64 %, toujours en comptabilisant TOUS les votes additionnels dans le camp du NON, aurait quand même produit une victoire du OUI à hauteur de 60 %, le résultat fétiche des fédéralistes canadiens. Où sont-ils, aujourd’hui, pour reconnaître le résultat du référendum catalan ?

Dans les mêmes conditions, le OUI l’aurait quand même emporté avec la majorité simple avec un taux de participation de 77 %.

Pourquoi ne pas compter les bulletins détruits ou saisis ?


Mais tous ces calculs sont hypothétiques, alors que dans le réel, il nous faut parler des 770 000 bulletins de vote saisis ou détruits par la police espagnole. Si on peut présumer que les personnes inscrites ayant choisi de boycotter le scrutin auraient voté NON, il en va tout autrement de celles qui sont allées voter. Pour celles-ci, on doit plutôt s’aligner sur un ratio de 90 % en faveur du OUI, le même que celui des bulletins comptabilisés.

Si l’on présume que le ratio de bulletins invalides est le même que pour les bulletins comptabilisés, c’est 763 359 bulletins valides de plus qui auraient dû être comptabilisés.

Le camp du OUI aurait donc dû profiter de 688 434 votes additionnels. Le OUI aurait donc toujours obtenu 90 % des suffrages, mais cette fois avec un taux de participation de 57 %...

Pour revenir au nombre fétiche des fédéralistes canadiens, le 60 % d’appuis au OUI aurait alors été atteint avec un taux de participation légèrement supérieur à 84 %, même si tous les votes additionnels étaient allés dans le camp NON. 

Au Québec, en 1980, le taux de participation avait été de 85,61 % et il ne serait venu à personne l’idée de contester la légitimité d’une victoire à 60 %.

En terminant, dans ce scénario, même avec un taux de participation de 99 %, où tous les citoyens inscrits restés à la maison se seraient déplacés pour voter NON, et en éliminant les bulletins invalides, le OUI l’aurait tout de même emporté à prés de 52 %.

Le référendum catalan a été volé par Madrid, au vu et au su de la communauté internationale, au premier chef l’Europe, qui n’a pas bronché. Dans le contexte où la démocratie, à bout de souffle, voit émerger partout l’extrême droite, le comportement autoritaire du gouvernement espagnol n’a rien de rassurant. Malheureusement, on dirait bien que ce n’est pas fini.



jeudi 31 août 2017

7 questions à GND


Dans un communiqué de presse du 27 août dernier, Gabriel Nadeau-Dubois affirmait : « À partir de maintenant, on va se faire entendre sur l’économie. » Voilà une très bonne nouvelle, car les propositions de Québec solidaire en cette matière se révèlent surprenantes et les électeurs seraient bien inspirés d’en prendre connaissance.

Car si la marque QS a réussi à se positionner dans le cœur de nombreux progressistes comme dépositaire unique de la vertu, au moment de choisir un gouvernement, on ne peut pas s’en tenir aux objectifs affichés par les partis. On ne compte plus dans l’histoire le nombre de partis animés de nobles ambitions qui ont finalement érigés des régimes désastreux pour les droits de la personne et pour l’économie.

On peut difficilement remettre en cause la volonté de QS de vouloir le mieux pour ses concitoyens, mais il serait temps de creuser pour savoir comment il compte y arriver. Quoi de mieux que de fouiller un peu dans le programme du parti, mis à jour au 11e congrès de mai 2016, qui incarne, « dans les sphères de l’économie, du travail et de l’environnement, le rendez-vous auquel Québec solidaire convie la population québécoise. »

Exit le capitalisme


Bien des progressistes croient que le capitalisme, en dépit de ses limites, reste le meilleur système économique pour favoriser le développement individuel et collectif. Ils croient que la combinaison de la propriété privée et de l’intérêt personnel répond à un trait fondamental de la nature humaine qui ne peut être ignoré. Ils constatent toutefois que le capitalisme débridé est aussi source de misère et d’injustice et s’entendent sur la nécessité pour l’État de l’encadrer. C’est quant à la nature et à l’ampleur de l’encadrement optimal que les désaccords surviennent.

Mais chez QS, on va plus loin…

« Québec solidaire vise, à long terme, la socialisation des activités économiques. Ce processus de transformation sociale reposera, notamment, sur une économie publique forte (secteur des services publics, société d’État et nationalisation de grandes entreprises dans certains secteurs stratégiques). On concède toutefois qu’«Une certaine place au secteur privé sera maintenue, particulièrement en ce qui a trait aux PME.»

Quoique les PME constituent la très grande majorité des entreprises d’ici, le Québec compte tout de même quelque 600 grandes entreprises représentant plus de 200 000 travailleurs.

La première question à GND est la suivante : quelles entreprises parmi les Metro, Jean Coutu, CGI et les autres seront nationalisées et exploitées par l’État québécois?

Gestion démocratique?


Le programme ajoute que les entreprises nationalisées “devront s’inscrire dans le cadre d’une planification nationale et démocratique et d’un mode de gestion décentralisée. Aussi, l’administration générale et la fixation d’objectifs particuliers de ces entreprises devront avoir lieu au sein d’instances démocratiques régionales ou nationales dont la composition assurera une représentation réelle de l’ensemble de la société (salarié-es de l’entreprise, représentant-es de l’État, élu-es régionaux, groupes de citoyen-nes, Premières Nations, etc.). Finalement, ce n’est pas le gouvernement ou ses hauts fonctionnaires qui devront voir à l’organisation du travail au sein de ces entreprises, mais les employé-es eux-mêmes (autogestion).”

Les entreprises québécoises doivent être de plus en plus agiles pour faire leur place dans un environnement où le changement s’accélère sans cesse. C’est un défi. Quant à QS, champion autoproclamé des processus de prise de décision démocratiques, il a quand même mis plus d’un an pour répondre à la proposition de convergence souverainiste…

Dans ce contexte, la seconde question à GND est la suivante : concrètement, à quoi ressembleraient le mode de « planification nationale », les « instances démocratiques régionales et nationales » et l’« autogestion » des entreprises nationalisées?

État propriétaire


Sur cette question de la propriété des entreprises, QS compte « instituer une banque d’État, soit par la création d’une nouvelle institution, soit par la nationalisation partielle du système bancaire. »

Il compte également « placer l’industrie minière sous contrôle public » et de faire la même chose avec l’industrie forestière, ce qui signifie en devenir l’actionnaire majoritaire.

Il prévoit également « l’expansion de l’emploi public dans les services sociaux, la construction et l’entretien d’infrastructures, l’assainissement de l’environnement. »

Québec deviendrait donc l’employeur et le gestionnaire du personnel d’une banque, des entreprises du secteur des mines et de la forêt, ainsi que de milliers d’autres travailleurs, notamment des travailleurs de la construction et des cols bleus.

La troisième question à GND est la suivante : en quoi la propriété de ces moyens de production permettrait-elle de mieux atteindre les objectifs de QS qu’un solide encadrement législatif?

Réglementation abusive


Passons à la réglementation de l’activité des entreprises privées.

« Les mises à pied importantes ou les fermetures d’entreprise devront être étudiées et approuvées ou refusée par une instance gouvernementale ».

La quatrième question à GND est la suivante : si une fermeture est refusée, QS croit-il vraiment pouvoir contraindre une entreprise à continuer d’exercer ses activités?

En cas de fermeture dans le cadre d’une délocalisation, « Québec solidaire entend reconnaître le droit aux employé-es de reconvertir l’entreprise en coopérative, le tout sans indemnisation à l’employeur. »

La cinquième question à GND est la suivante : est-ce que ça signifie que le capital de l’entreprise sera saisi et transféré à la nouvelle coopérative, sans compensation?

Dernier élément : « Québec solidaire prévoit obliger les employeur-es à se doter d’un plan pour reclasser les employé-es licencié-es dans un emploi similaire ou équivalent; à fournir la formation requise pour requalifier les employé-es licencié-es qui n’ont pas pu se trouver un tel emploi et à indemniser substantiellement les employé-es licencié-es qui n’ont pas pu se trouver un emploi malgré les mesures précédentes. »

La sixième question à GND est la suivante : pourquoi ne pas prendre collectivement en charge, tout comme nous l’avons fait en santé, le développement et la gestion d’un système de soutien aux travailleurs, incluant le développement de leur compétence?

Et de manière plus générale, une septième question à GND : Comment QS peut-il croire qu’en faisant peser sur les entreprises à la fois la menace de nationalisation, la possibilité de la saisi sans compensation et un fardeau réglementaire hypercontraignant, il n’incitera pas les entreprises manufacturières à quitter le Québec?

Clarifications demandées


À première vue, le programme de Québec solidaire inquiète parce qu’il pourrait avoir des effets négatifs pour le Québec. Ces craintes sont légitimes, c’est pourquoi les mesures annoncées par QS doivent être expliquées et débattues maintenant et au cours des douze mois menant à l’élection, surtout que les portes-paroles affirment vouloir prendre le pouvoir et se disent tous les deux prêts à exercer le rôle de premier ministre.

Ces jours-ci, Québec solidaire veut parler de salaire minimum à 15 $, des quatre semaines de vacances après un an, de la fin des heures supplémentaires forcées et de congés chômés. Quatre mesures intéressantes susceptibles d’améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, mais qui n’ont aucune chance de voir le jour si l’économie du Québec s’effondre.

Sources :

mardi 31 mai 2016

Brique par brique

Dans la foulée de Josée Legault et d’autres, Marc Laviolette et Pierre Dubuc reprochaient il y a quelques jours à Jean-François Lisée sa capitulation tranquille.

Je comprends leur déception de voir une fois de plus repoussée, dans le projet Lisée, l’échéance référendaire. J’aimerais bien, moi aussi, qu’une majorité de Québécois soient prêts à faire le pays.

Personne à la table


S’il y avait un référendum aujourd’hui, 6 738 136 citoyens seraient appelés aux urnes. Si on se fie au sondage CROP paru dans l’Actualité de novembre dernier, seuls 2 440 804 d’entre eux voteraient OUI. On serait, à peine, à quelque 995 646 voix de la victoire.

Mais qu’est-ce qu’on imagine ? Que de parler de souveraineté ramènera suffisamment d’électeurs dans le sérail péquiste pour lui assurer la victoire en 2018, alors que les électeurs sont divisés entre l’ADQ et les partis à gauche du PQ ? On croit vraiment qu’on arrivera, simplement en parlant du projet de pays, à convaincre près d’un million d’entre eux à changer d’idée ? Par des mots ? Parole, parole, parole...

On rêve d’un leader portant bien haut le flambeau et montrant la voie au peuple, marchant devant lui pour le guider vers l’indépendance. On oublie qu’à marcher trop vite devant, le leader risque de se retrouver seul. Car il faudra bien éventuellement quitter le monde du fantasme pour l’admettre enfin : il n’y a pas d’appétit pour la souveraineté du Québec en ce moment.

Les sondages sont au plus bas, particulièrement chez les jeunes qui, chez les 18-34 ans, ne sont plus que 30 % à appuyer la souveraineté tandis que 80 % d’entre eux sont attachés au Canada de Justin Trudeau, selon CROP.

J’ai bien peur que ni le dialogue de Véronique Hivon ni les chantiers d’Alexandre Cloutier ne fassent le poids contre l’indifférence, pas plus que la Souveraine tournée de mon candidat favori, d’ailleurs.

Déficit de cœur


C’est que pour transformer radicalement l’opinion, il faut plus qu’un leader et plus qu’un projet rationnel, quoique les deux soient essentiels. Il faut aussi y mettre du cœur.

Or, ces trois ingrédients ne seront de nouveau réunis, comme en 1995, qu’à la faveur d’une crise entre le Québec et le reste du Canada, crise qui rendra explicites nos deux solitudes. En l’absence de crise, le Canada, surtout celui de Justin Trudeau, n’est-il pas ce beau grand pays dans lequel, pour le Québec, tous les espoirs sont permis ?

Ceci est particulièrement vrai pour les jeunes chez qui la flamme ne peut simplement être ravivée, mais doit naître pour la toute première fois. Eux qui étaient prépubères le soir du dernier échec référendaire et qui, aujourd’hui, vivent leur « moment » Canada.

C’est là tout l’intérêt du projet Lisée. Le refus de dépenser des fonds publics pour la souveraineté, la promesse de ne pas tenir un référendum dans le prochain mandat, l’objectif d’opérer un virage à gauche marqué... Toutes des conditions susceptibles, non seulement de rallier une majorité aux prochaines élections, mais d’amener le Québec à utiliser tous les leviers dont il dispose, et d’autres encore, pour se transformer.

Car c’est bien là qu’il faut s’engager : définir le Québec souverain dans l’action, brique par brique. Ce ne sont ni les travaux en comité ni les campagnes promotionnelles qui donneront le goût du pays. C’est plutôt en proposant des mesures réelles, des projets concrets, qu’on découvrira de nouveau comment le Canada nous empêche de réaliser nos aspirations profondes, celle d’un petit peuple, pas supérieur aux autres, mais unique, et de l’importance de réaliser la souveraineté pour assurer sa pérennité.

Je crois que c’est ce que voit Lisée et j’espère qu’il deviendra chef du Parti québécois.

mardi 20 octobre 2015

Intégrisme musulman : déficit de mots et de faits

Dans la foulée de la controverse entourant le port du niqab pendant la cérémonie d’assermentation pour recevoir la citoyenneté canadienne, la motion dénonçant l’islamophobie adoptée à l’Assemblée nationale a de nouveau mis en lumière une triste réalité : dans le débat sur l’intégrisme musulman au pays un vocabulaire commun autant que des faits sur lesquels appuyer l’analyse du phénomène font cruellement défaut.

Des mots


Ainsi, le 6 octobre dernier, dans une lettre au Devoir dénonçant l’adoption de la motion, trois intellectuels s’en prennent en ces termes à l’usage du mot islamophobie : « (…) en soutenant cette motion (…), nos députés ont avalisé, au plus haut niveau, le concept douteux d’islamophobie. Or, ce concept amalgame abusivement race et religion, et il a été instrumentalisé par les islamistes eux-mêmes pour empêcher toute critique de l’islam. La dénonciation des dérives de l’islam et des comportements abusifs de ses fidèles n’est absolument pas du racisme; elle correspond plutôt à une lutte citoyenne contre une idéologie politico-religieuse à visée théocratique. (…) »

Un collectif d’étudiants en science des religions réplique, le 15 octobre, dans les pages du même journal. Sur la question de l’islamophobie : « (…) Dans son acception actuelle, Le Grand Larousse (2014) le définit comme une “hostilité envers l’islam, les musulmans” et c’est en ce sens qu’il est accepté par ces importantes instances de lutte contre la discrimination. »

Si l’islamophobie est définie par les uns comme « une lutte citoyenne contre une idéologie politico-religieuse à visée théocratique » et par les autres comme « hostilité envers l’islam, les musulmans », la discussion devient impossible. On ne peut pas discuter de concepts, et se comprendre, si ces concepts n’ont pas le même sens pour ceux qui participent à la discussion, ou y assistent.

Et si, comme il semble être de plus en plus le cas, c’est le sens de « l’hostilité envers l’islam, les musulmans », qui l’emporte, il faudra alors inventer un nouveau vocabulaire pour nous permettre de distinguer les choses. En effet, si un seul terme désigne deux concepts aussi différents que l’hostilité envers une religion et l’hostilité envers ses adeptes, quel terme utiliser pour décrire celui qui est hostile envers la première, mais pas envers les seconds?

L’hostilité de nombreux québécois de la génération de nos parents envers l’institution de l’Église catholique, ses dogmes et ses promoteurs a permis de faire reculer son pouvoir au Québec et d’assurer la séparation de l’Église et de l’État. Cette hostilité s’est-elle accompagnée de racisme envers les fidèles, pères et mères, frères et sœurs, amis, voisin et collègues, tous membres de la même communauté et blancs de vieille souche? Évidemment pas.

Aujourd’hui, l’Église n’inquiète plus. Ses positions rétrogrades n’ont plus tellement d’impact sur notre vie démocratique et les batailles qui devaient être menées ont à peu près toutes été gagnées. Aujourd’hui, à tort ou à raison, c’est l’intégrisme islamique qui inquiète.

L’islam radical, et certains croient que c’est aussi le cas pour l’islam non radical, est en opposition frontale avec un certain nombre de valeurs fondamentales – nommons-les « progressistes », partagées par une majorité de citoyens et reflétées dans nos lois, nos tribunaux et nos institutions, par exemple l’égalité entre les hommes et les femmes, les droits des gais et lesbiennes, etc.

Comment donc nommer celui qui est indifférent envers l’origine ethnique et le bagage génétique des fidèles musulmans, et qui leur reconnaît le droit de pratiquer leur religion, mais qui est hostile envers l’islam, ses dogmes et ses promoteurs? Peut-on le taxer d’islamophobie? Celui qui célèbre la contribution des musulmans à la richesse culturelle du pays, qui veut ouvrir les bras à un certain nombre d’immigrants musulmans et soutenir leur intégration tout en militant activement contre l’idéologie rétrograde que certains traînent avec eux, peut-on le taxer de racisme?

À défaut de s’entendre sur les mots, il faudra bien apprendre à faire preuve de nuance si on veut discuter intelligemment de l’intégrisme musulman.

Des faits


Justement, la question pertinente qui s’impose est : doit-on discuter de l’intégrisme musulman? Pour être plus précis : l’intégrisme musulman est-il un phénomène suffisamment important ici qu’il mérite que nous l’examinions de plus près, que nous nous en préoccupions?

L’islam radical est instrumentalisé et financé par des pays qui disposent de ressources financières immenses. Il manifeste la volonté de conquérir les cœurs et les âmes partout dans le monde. Il s’accompagne du projet politique d’établir la charia comme loi fondamentale dans tous les pays. Il suscite un militantisme dévoué, sur le champ de bataille comme à travers divers regroupements de personnes dans de nombreux pays. Il encourage et commandite parfois le terrorisme. On sait cela, mais quel impact cela a-t-il ici, dans la réalité canadienne et québécoise?

On sait que du financement étranger arrive ici en soutien au militantisme islamique, mais combien? On sait que des imams radicaux influencent au quotidien des esprits, jeunes et moins jeunes, instillant ou renforçant en eux des valeurs rétrogrades et antidémocratiques — les poussant parfois même à aller faire la guerre ou à commettre des actes terroristes —, mais combien sont-ils et quelle est leur influence? On sait que dans certaines familles musulmanes, les femmes vivent encore sous le joug des pères et des frères, et que leurs libertés fondamentales sont violées au quotidien. Mais combien sont-elles, ces femmes? Quel est le meilleur moyen de leur permettre d’exercer leurs droits? Comment peut-on aider ces familles à épouser les valeurs occidentales, fruits de longs et parfois âpres combats menés par les générations précédentes, au premier chef les femmes?

Nous avons peu de réponses à ces questions et ne pouvons nous fier aux grands titres des journaux pour refléter fidèlement la situation. Cette absence de données objectives nous condamne à un dialogue de sourds marqué d’amalgames et de généralités qui ne peuvent qu’exacerber les désaccords et nous éloigner de solutions valables.

Un passage du texte d’opinion du 6 octobre donne une bonne idée des pièges du langage et de la difficulté de discuter ces enjeux sans données fiables. Ainsi, les signataires affirment que la motion « (…) omet de dire que les adeptes de l’islam posent d’énormes problèmes d’intégration aux sociétés occidentales, aussi bien en Europe qu’en Amérique, (…) »

D’abord, une généralisation, à mon avis fausse : « (…) les adeptes de l’islam posent d’énormes problèmes d’intégration aux sociétés occidentales (…) ».

On devine sans peine que l’intégration d’un groupe de personne dont le système de valeur est fondamentalement différent de celui de la société d’accueil peut poser d’énormes problèmes. Le nier serait de l’angélisme. Mais tout dépend du nombre de personnes formant le groupe, du nombre de personnes formant la société d’accueil, de la distance séparant effectivement leur système de valeurs respectif et du rythme de l’intégration. En affirmant que « les adeptes de l’islam » posent problème, je crois que les auteurs généralisent à outrance et nuisent à la discussion.

Les auteurs corrigent le tir plus loin, en précisant, au sujet des musulmans, que « (…) nombre d’entre eux, favorables à cette loi inique et rétrograde qu’est la charia, revendiquent avec opiniâtreté des accommodements religieux qui nient la laïcité et les valeurs des démocraties modernes. (…) »

On peut ici reprendre la conversation, mais pas très longtemps, car on se bute rapidement à un manque de données. En effet, « nombre d’entre eux », c’est combien? S’il s’agit de 10 personnes à Montréal, on devrait peut-être parler d’autre chose. S’il s’agit de 3000, la discussion mérite peut-être d’avoir lieu.

Dans sa réplique du 15 octobre, le collectif contribue à son tour à embrouiller les choses : affirmer que « (…) “nombre de musulmans sont favorables à la charia”, (…) serait nier les nombreuses voix et organisations musulmanes qui, ici comme ailleurs, se sont élevées contre cette volonté limitée à certains mouvements plus radicaux. (…) ». Que des voix musulmanes s’élèvent contre le radicalisme, c’est bien, mais ça ne change rien à l’importance de celui-ci. Pourquoi  noyer le poisson?

Le collectif critique également les propos selon lesquels la radicalisation qui sévit aujourd’hui émane du fondamentalisme islamique et que la majorité des actes terroristes sont commis par des fanatiques musulmans, car selon les signataires, ces propos « (…) offre[ent] un regard réducteur qui nie une réalité plus complexe concernant la montée des mouvements, groupes et courants radicaux et extrémistes qui menacent la sécurité et la cohésion sociale tant en Occident qu’en Orient. (…) » Il dresse ensuite une liste d’attentats commis au nom d’idéologies qui n’ont rien à voir avec l’islam radical.

Ainsi, il ne serait pas pertinent de parler de l’origine islamique de la radicalisation et de lui attribuer les horreurs dont elle est responsable au prétexte que la radicalisation a aussi d’autres origines. Que l’importance de la radicalisation d’origine autre qu’islamique soit mineure en comparaison ne semble pas compter.

Pourquoi faut-il donc taire certaines réalités? Pour éviter de stigmatiser une communauté? Pourtant, le flou qui s’installe lorsqu’on refuse de nommer les choses et de reconnaître ce qui est ne constitue-t-il pas un terreau fertile dans lequel naissent et croissent les pires et les plus irrationnels sentiments? Les préjugés, la peur, la haine de l’autre…

Si nous refusions le silence auquel nous confine la crainte de faire des vagues, si nous faisions preuve de bonne foi, si nous cessions de pervertir les mots, d’associer toute réserve sur l’islam ou l’immigration à du racisme, et si nous disposions de données objectives sur les phénomènes que nous prétendons analyser, alors seulement pourrions-nous établir un dialogue fructueux, faire reculer l’intolérance et apprendre à vivre ensemble.

vendredi 31 juillet 2015

Pauvre ti-pit

Nouvelle sortie de Jay Baruchel, qui trouve injuste la réaction des Québécois à ses déclarations sur Montréal.

Pauvre ti-pit.

C'est bien le problème de plusieurs anglophones : ils ne comprennent pas, refusent de comprendre ou font mine de ne pas comprendre que dans le contexte d'un petit peuple entouré de géants, le défaut de défendre activement le français mène à sa disparition. En conséquence, ils confondent la volonté d'exister des francophones avec la mesquinerie, l'intolérance ou l'ethnophobie. Et comme Jay, ils encouragent les préjugés contre les francophones québécois.

S'ils acceptaient cette prémisse que l'inaction mène à la disparition, ils devraient répondre aux deux questions suivantes : acceptent-ils alors l'idée que le français mérite d'exister ici et, dans l'affirmative, quels moyens leurs semblent raisonnable pour y arriver?

La paix viendra à Montréal quand les francophones passeront au statut de minorité négligeable ou quand les anglophones deviendront des alliés dans la recherche de moyens d'assurer un équilibre linguistique viable sur l'île.

Quant à Jay, je lui recommande d'ajouter quelques francophones à sa liste d'amis. Il pourrait découvrir des gens ouverts d'esprit très fréquentables, malgré leur refus de disparaître.

http://plus.lapresse.ca/screens/0d321383-67f5-43ed-aed3-84a583e30b58%7C_0.html