La tuerie intégriste au Charlie Hebdo est un très dur coup
porté à la liberté d’expression.
Déjà, on le sentait bien, s’attaquer à Mahomet
demandait du courage. Les intellectuels qui défendent la liberté d’expression,
les auteurs de l’information qui écrivent sur le sujet et les autres qui
dictent la ligne éditoriale, les citoyens engagés actifs sur Facebook et
Twitter… Tous connaissaient sans doute déjà très bien ce sentiment diffus, ce
malaise, ce picotement dans la nuque au moment d’appuyer sur la touche ENTER.
La peur que la folie intégriste se déchaîne contre soi, contre sa famille,
contre ses collègues.
Les artisans de Charlie Hebdo, eux, affrontaient chaque jour
une menace bien réelle. Pour leur courage, ils méritent toute notre admiration
et notre reconnaissance.
Pour ceux qui restent, désormais, la peur sera plus grande
encore. Alors, comment réagir?
On a bien vu le pouvoir de la peur avec la récente décision
de Sony de suspendre la diffusion du film The Interview en réponse aux menaces
des « Gardiens de la paix » contre les cinéphiles. Dans la foulée, les
studios New Regency ont annoncé l’abandon du projet de film basé sur la bande
dessinée de Guy Delisle, Pyongyang.
Heureusement, le président Obama a rapidement critiqué la
décision de Sony, faisant ainsi pression sur elle pour l’amener à réviser sa
décision tout en partageant avec elle la responsabilité en cas d’attentat
éventuel. Un acte de courage essentiel qui arrivait à point nommé.
Que serait aujourd’hui l’état des lieux si Sony n’avait pas
finalement décidé de diffuser le film? Si Sony avait cédé à la menace? On
aurait donné raison à tous les groupes qui tentent de faire taire par la
violence les voix qui les dérangent. On les aurait vus s’enhardir des succès
antérieurs et chercher à museler leurs opposants. Une
spirale infernale qui aurait emporté une part toujours plus importante de notre
espace de liberté.
Pour combattre l’insidieuse censure ambiante autant que les
attaques directes menées contre la liberté d’expression, Charlie Hebdo avait
décidé avec un courage exceptionnel de réaffirmer le droit de dire les choses
en mordant vigoureusement les icônes, toutes les icônes, qu’il s’agisse de
dieux, de prophètes ou d’hommes et de femmes de pouvoir. Ses artisans ont ainsi
contribué à préserver notre espace de liberté.
C’est à tort ou à raison qu’on blasphémera Mahomet,
Jésus-Christ ou Dieu le père, mais réaffirmer son droit de le faire est
aujourd’hui encore plus nécessaire que jamais. C’est une obligation morale.
Même si ça nous fait peur. Parce que ça nous fait peur,
justement.